Mon alya comme juif montréalais en Israël

Gabriel Goldenberg

Gabriel Goldenbergsonia

Entretien avec Gabriel Goldenberg, natif de Montréal, de mère sépharade et de père ashkénaze et conseiller en marketing Web par Sonia Sarah Lipsyc.

A quel âge avez-vous fait votre alya (littéralement montée en Israël) et dans quelles conditions ? Connaissiez-vous bien Israël avant de partir ?

J’ai fait mon aliya à 23 ans, il y a cinq ans. J’ai quitté la belle communauté juive de Montréal pour m›installer à Jérusalem où j’ai commencé à étudier l’hébreu à l’internat de l’Oulpan Etzion. C’est une aubaine pour les nouveaux immigrants ou olim. Je n’ai payé que 350 $US par mois pour être logé et nourri, tout compris et apprendre !

Après m’être marié – avec une formidable femme que j’ai connue à l’Oulpan Etzion, comme tant d’amis qui y ont rencontré leurs conjoints – nous avons habité dans le quartier industriel de Talpiot à Jérusalem. Dernièrement nous avons déménagé à Har Homa toujours à Jérusalem.

Je travaille dans le marketing en ligne. La plupart des sites qui vendent en ligne ne réussissent à vendre qu’à 2% de leurs visiteurs. Je les aide à augmenter ce « taux de conversion » de visiteurs en acheteurs. Et je suis fier que l’une de mes connaissances, grâce à ma consultation, a pu doubler le revenu de sa société! D’ailleurs si certains de vos lecteurs sont intéressés… Je connaissais un peu Israël avant de partir mais on ne connaît vraiment Israël qu’après y avoir immigré.

Qu’est ce qui vous a motivé à faire votre alya ? Comment vous y êtes vous préparé ? Connaissiez-vous l’hébreu?

Mes parents et ma famille sont très sionistes. Mon oncle Jo et ma tante Miriam ont fait récemment leur aliya et ma tante Linda, grande communautaire, les a aidés au travers de la promotion du programme « Magchimim » à Montréal qui aide les jeunes couples à faire leur alya. Elle a d’ailleurs elle-même entamé son processus d’aliya. Malgré tout cela, je n’envisageais pas de faire mon aliya jusqu’à ce que j’aille en Israël avec « Birthright » (programme gratuit qui permet aux jeunes de découvrir Israël, ndr). Une fois arrivé là-bas, au cours de ce séjour, je me suis senti à la maison, ressentant un sentiment d’appartenance. La yeshiva, l’institut d’études talmudiques, Machon Meir à Jérusalem où j’ai également suivi quelques cours m’a enseigné quelques fondements du sionisme dans la Torah, côté intellectuel ce qui a aussi renforcé le coté émotif c’est-à-dire mon sentiment d’appartenance et le désir d’alya que ce sentiment a engendré.

Je n’ai pas fait de préparatifs particuliers. À refaire, j’aurais donné à mes parents un pouvoir fiduciaire sur mon compte en banque pour faciliter les transferts.

Quant à l’hébreu, mes parents m’ont donné un très beau cadeau en m’envoyant au secondaire à l’école Herzliah à Montréal. J’y ai appris à parler hébreu à tel point que je pouvais tenir une conversation lorsque j’ai gradué et fini mon secondaire. L’échange universitaire que j’ai fait par la suite à l’Université Hébraïque de Jérusalem m’a aidé aussi de même que le formidable Oulpan Etzion – cinq mois de cours gratis.

Quelles sont les bonnes ou mauvais surprises que vous avez eu en faisant votre alya ? Ou les difficultés auxquelles vous avez été confrontées ainsi que les aides (familiales, de votre réseau ou autres) dont vous avez bénéficiées?

Parmi les bonnes surprises, celles d’avoir tissé de très forts liens avec mes camarades de l’Oulpan, en particulier mes trois colocataires à l’internat. Quatre ans après avoir quitté l’Oulpan, nous sommes encore très proches, nous nous invitons et entraidons souvent. Quelques exemples pour l’illustrer…Mon père a donné du travail au sein de sa société de croisières-conférences pour dentistes, Mindware Seminars, à un de ces colocataires. Et ma femme et moi avons aidé deux de ces amis à se marier. Le crédit d’un troisième mariage revient aussi en partie à ma femme.

Une épreuve ? Devoir développer mes aptitudes sociales et devenir plus péremptoire. La société Israélienne est en moyenne plus péremptoire qu’au Canada. Il faut donc insister un peu plus pour obtenir ce que l’on veut. Deux livres que je recommande fortement : « When I Say No I Feel Guilty», et « How To Win Friends and Influence People».
Bien sur être loin de ses parents, de la famille et des amis est une autre difficulté. C’est connu.

Je me suis aussi rendu compte à quel point j’étais ignorant du Judaïsme. La faute me revient, et heureusement, grâce à la yeshiva du Machon Meir et à ses rabbins chaleureux, je travaille à combler ce vide. D’un côté, la surprise de voir combien j’étais ignorant et d’un autre la belle surprise de découvrir ce vaste plaisir qu’est l’étude de la Torah.

Êtes-vous en contact avec d’autres montréalais en Israël ?

Dan Illouz m’a aidé à faire des amis, m’a conseillé en affaires et nous nous entraidons souvent – son bon caractère et intelligence l’aident dans sa carrière très florissante en politique. De même Tal Raviv est devenue médecin et a pris de son temps pour m’aider à obtenir des soins et à trouver des cliniques dont j’ignorais l’existence. Cyril Sabbah m’ont conseillé et Ariel Lallouz m’a aidé en m’apportant des choses de Montréal. Il y a un beau réseau d’entraide.
Quel est le conseil que vous donneriez à des montréalais qui voudraient faire leur alya ?

S’informer au préalable des prix des appartements dans des quartiers abordables de Jérusalem, comme celui Talpyot, par exemple, et s’inscrire à l’internat ou étudier à l’Oulpan Etzion que je recommande fortement, surtout aux célibataires. Pour le travail, les emplois dans le monde d’Internet ne sont pas seulement attrayants vu la demande sur le marché, mais ils offrent aussi un côté créatif qui permet de s’épanouir.

D’Israël comment voyez vous le judaïsme canadien ? Est-ce que votre perception a changé depuis votre alya?

C’est une communauté incroyablement sioniste et qui soutient Israël plus fortement qu’aucune autre communauté au monde, si on regarde l’attitude moyenne, les dons etc. L’Oulpan Etzion se trouve dans un bâtiment appelé Beit Canada, Maison du Canada par exemple. La communauté a de quoi être fière.
Malheureusement, la communauté perd du terrain face à l’assimilation. Voyez le centre sportif juif qui est ouvert depuis quelques années le jour du Chabbat. Voyez les étudiants universitaires juifs parmi lesquels certains votent contre Israël dans les forums universitaires.

Et je pourrai citer d’autres exemples.

Il est certain que les institutions communautaires et les individus font un travail formidable pour enrayer le problème ! Tous mes camarades de classe qui se sont mariés ont épousé des Juifs. C’est une énorme réussite et j’applaudis le personnel des nos écoles et de nos centres communautaires, ainsi que les parents qui se privent pour payer des frais scolaires élevés et tout ceux qui luttent jour et nuit contre ce danger de l’assimilation. Comme on dit en Hébreu, « hem aussim nachat ruach leYotsram » autrement dit « D’ les regarde et ressent une fierté énorme ! »

Cependant, il me semble que les efforts de survie communautaire fonctionneront de moins en moins à moyen terme face à l’assimilation. Car c’est « une guerre perdante », mais très graduelle même si la communauté remporte des victoires tels que ces camarades mariés à des juifs ou qui ont fait l’Alya. Je crois que es victoires brouillent la vision de l’ensemble.

La fin de la communauté canadienne comme les autres aux É.-U. ou en Europe au regard du taux croissant des mariages mixtes, n’est donc pas pour demain… mais il faut regarder la tendance.

Il est possible que je me trompe. Les efforts individuels et collectifs aident beaucoup et les succès donnent chaud au coeur ! Aussi, si je comptais parmi les dirigeants la communauté canadienne, je ferais de l’encouragement de l’Alya ma plus grande priorité. Paradoxalement, je regrette que personne ne m’en ait parlé ni au primaire ni au secondaire. Je ne blâme personne, mais il faut admettre que c’est un manque criant et tellement surprenant pour une communauté si sioniste ! f

Gabriel Goldenberg
Gab@seoroi.com

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Dr Sonia Sarah Lipsyc

Sonia Sarah Lipsyc est directrice de ALEPH,le Centre d’Études Juives Contemporaines de la Communauté Sépharade Unifiée du Québec (CSUQ), depuis sa création en 2009. Docteur en Sociologie, Sonia Sarah Lipsyc est également auteure, chercheure, enseignante et dramaturge. Elle est chercheure associé à l'Institut d'Études Juives Canadienne de l'Université Concordia (Montréal). Elle a créée, en 2012, une unité de Recherches au sein de ALEPH sur «Judaïsmes et Questions de Société» ainsi qu'un site de ressources sur ces thématiques (http://judaismes.canalblog.com). Elle a notamment écrit "Salomon Mikhoëls ou le testament d'un acteur juif" (2002) et dirigé la publication de Femmes et judaïsme aujourd’hui, In Press (2008). «Eve des limbes revenue ou l'interview exclusive de la première femme (ou presque) de l'humanité» a été mise en ondes sur France Culture (2011) et mise en espace en anglais à l'Université de Brandeis (Boston) en 2012. Sa dernière mise en scène, «Sauver un être, sauver une monde» a été représentée devant des centaines d'élèves du secondaire à Montréal. Elle a participé à plus de cinquante émissions de télévision sur le judaisme (France 2, Chaine Histoire). En 2011, elle a reçu le Prix d’excellence enéducation juive de la Fondation Samuel et Brenda Gewurz de la BJEC (Bronfman Jewish Education Center).