La communauté sépharade en quelques chiffres

Sonia Sarah Lipsyc

Sonia Sarah Lipsyc

En 2011, Charles Shahar démographe de la Fédération CJA a entamé son étude démographique et sociologique de la communauté juive de Montréal. La précédente enquête datait de 2001.

L’étude sur la communauté sépharade représente donc le 7ème volet de son « Enquête nationale auprès des Ménages de la Communauté juive de Montréal ». Les résultats de cette dernière partie sur la communauté sépharades ont été mis en ligne en avril 2015[ref]1 Pour l’ensemble de l’enquête et plus particulièrement l’étude sur la communauté sépharade voir http://www.federationcja.org/media/mediaContent/2011%20Montreal_Part7_Sephardic%20Community_Final-F.pdf[/ref].

Nous reprenons ci-dessous les faits saillants de cette étude tels qu’ils ont été présentés en ajoutant quelques précisions tirées de l’ensemble de l’étude sans faire figurer cependant, par commodité de lecture, les guillemets propres à des citations de textes.

Les conclusions de cette étude, quant aux défis à relever qu’elle souligne, seront exposées dans une deuxième partie lors d’une prochaine parution du LVS.

Nombre de Sépharades à Montréal et leur catégorie d’âge

La région métropolitaine de recensement (RMR) de Montréal compte 22 225 Sépharades parmi lesquels 50,2 % de femmes et 49,8 % d’hommes. Les Sépharades représentent donc 24,5 % des 90 780 membres de la communauté juive montréalaise. Ce chiffre est en hausse par rapport à l’enquête de 2011 puisqu’à l’époque on recensait 21 215 Sépharades soit 22,8 % de la communauté juive de Montréal.

La communauté sépharade établie dans la région de Montréal est répartie comme suit : 3 755 enfants de moins de 15 ans, 3 045 adolescents et jeunes adultes de 15 à 24 ans, 5 315 personnes âgées de 25 à 44 ans, 5 570 personnes âgées de 45 à 64 ans et 4 540 personnes âgées de 65 ans et plus. Le plus important groupe d’âge chez les Sépharades est celui des adultes d’âge moyen (45-64 ans). Environ une personne sépharade sur cinq (20,4 %) fait partie des aînés. Étant donné qu’un nombre important de personnes d’âge moyen approchent de l’âge de 65 ans, la proportion des personnes âgées chez les Sépharades devrait augmenter sensiblement.

Où habitent les Sépharades dans la RMR de Montréal ?

Le quartier de Côte-Saint-Luc (CSL) compte la plus importante communauté sépharade de la RMR de Montréal (5 580 personnes). Cependant les Sépharades n’y représentent que 28,8 % des 19 395 Juifs qui y résident, bien que leur augmentation y soit plus importante (…). Les Sépharades sont également nombreux à Ville Saint-Laurent (3365) où l’on trouve la plus forte proportion de Sépharades, car ils représentent 47,7 % de la population juive. Il y a aussi une forte proportion de Sépharades à Mont-Royal (39,6 %) et à Chomedey (36,8 %).

Le quartier Snowdon affiche le déclin le plus important du nombre de Sépharades (- 805). Les pertes dans Snowdon et Côte-des-Neiges sont d’autant plus préoccupantes que la plupart des services pour la communauté sépharade sont situés dans ces quartiers ou du moins à proximité.

Origines des Juifs sépharades d’aujourd’hui

Parmi les Sépharades vivant dans la RMR de Montréal, 9 735 sont nés au Canada, ce qui représente 43,8 % de la communauté sépharade. Le reste de la population sépharade, 56,2 % est composé d’immigrants parmi lesquels plus du quart (28,3 %) sont nés au Maroc. Viennent ensuite, par ordre décroissant, les personnes nées en France (1 690) et en Israël (1 415) ; 575 sont nés en Égypte, 430 en Iraq, 410 sont des Sépharades nés en Europe de l’Ouest notamment en Espagne, Portugal et Grèce, 335 sont natifs d’Algérie/Libye/Tunisie, 290 du Liban, 230 Sépharades sont nés en Europe de l’Est, soit en Bulgarie ou dans l’ex-Yougoslavie, 220 en Turquie, 105 en Iran, 35 en Syrie, etc.

Langues parlées par les Sépharades à Montréal

En ce qui concerne la langue maternelle, de toute évidence, le français domine (73 %). L’anglais est la langue première de 9,2 % des Sépharades et l’hébreu, de 7 % d’entre eux. Une plus faible proportion (4 %) indique l’arabe comme langue maternelle et 3,8 %, l’espagnol.

Pour ce qui est de la langue parlée :

62,3 % des Sépharades disent parler français, tandis que 30,7 % disent parler anglais. L’usage de l’anglais au foyer a connu une augmentation puisqu’en 2001, elle était utilisée par 26,5 % des Sépharades. L’utilisation du français au foyer a diminué, passant de 67,8 % à 62,3 %. Cette tendance peut tenir en partie au fait que les Sépharades d’âge scolaire ayant immigré durant les années 1960 et 1970 ont fréquenté les écoles anglophones protestantes ou juives, parce qu’ils ne pouvaient fréquenter les écoles francophones catholiques, et ont par la suite inscrit leurs enfants dans le même type d’écoles. La langue parlée à la maison serait influencée par la langue à laquelle les Sépharades ont été exposés durant leurs études. Seulement 3,4 % parlent hébreu au foyer, 1,2 % parlent espagnol et 0,7 % parlent arabe.

Situation familiale des Sépharades

La grande majorité des Sépharades (73,8 %) vit en couple soit 16 395. Cependant le pourcentage de personnes divorcées ou séparées est un peu plus élevé chez les Sépharades que dans le reste de la communauté juive (respectivement 7,6 % et 6,6 %).

Une personne sépharade sur dix (10 %) vit dans une famille monoparentale soit 2 215 personnes. Ce nombre a augmenté durant la dernière décennie car il y avait 1 920 familles monoparentales en 2001. (…)

Les familles monoparentales sont plus nombreuses chez les Sépharades que dans le reste de la communauté juive (respectivement 10 % et 7,7 %) même si on trouve moins de familles monoparentales chez les Sépharades que dans l’ensemble de la population de Montréal .

Il y a dans cette communauté 15 % qui sont des personnes seules soit 3 330 (vivant seules ou avec des personnes non apparentées). La proportion de personnes seules est plus faible chez les Sépharades que dans le reste de la communauté juive (respectivement 15 % et 16,9 %). Il faut cependant relever que près du tiers (30,5 %) des Sépharades âgés de 65 ans et plus sont des personnes seules, ce qui représente 1385 personnes. Ces personnes âgées constituent un groupe particulièrement vulnérable, surtout si elles n’ont pas de familles ni autres soutiens sociaux, et si elles ont difficilement accès à des services.

Niveau d’étude des Sépharades

Le pourcentage de Sépharades adultes titulaires d’un diplôme universitaire a sensiblement augmenté : de 35,7 % en 2001, il est passé à 45,7 % en 2011. Comparativement au reste de la communauté juive, le pourcentage des titulaires d’un diplôme de premier cycle (29,7 %) est plus élevé que dans le reste de la communauté juive (28,4 %) ainsi que le pourcentage de diplômés Sépharades d’un Cégep ou d’une école de métiers (respectivement 24,2 % et 19,2 %). Cependant les titulaires d’une maîtrise sont en plus faible proportion chez les Sépharades (12,7 % et 13,7 %), ainsi que les titulaires d’un doctorat ou d’un diplôme de médecine (3,3 % et 4,2 %). Le pourcentage de titulaires d’un diplôme universitaire est beaucoup plus élevé chez les Sépharades que dans l’ensemble de la population de Montréal (respectivement 45,7 % et 29,1 %).

Quelles sont les professions que les Sépharades exercent ?

Les professions libérales regroupent le plus grand nombre de Sépharades (3 270); suivent les travailleurs du secteur de la vente et des services (2 665), les cadres supérieurs et intermédiaires (2 155), le personnel technique et para professionnel (1 905) et le personnel de secrétariat et de bureau (1 055). Les Sépharades sont bien représentés dans les diverses catégories professionnelles. Par rapport au reste de la communauté juive, les répartitions sont sensiblement semblables. Les Sépharades sont un peu plus nombreux dans la catégorie des cadres supérieurs et intermédiaires, du secrétariat et du personnel de bureau, ainsi que dans le secteur de la vente et des services. Alors que l’on trouve dans le reste de la communauté juive une proportion légèrement plus forte de membres de professions libérales et de travailleurs techniques (…).

Niveau de vie des Sépharades

47,2 % des Sépharades se situent dans les tranches de faible revenu (moins de 25 000 $), chiffre en baisse comparativement au 55,1 % de 2001. Ce pourcentage est légèrement plus élevé que dans le reste de la communauté juive (46,1 %). Mais leur proportion est légèrement inférieure à celle de l’ensemble de la population de Montréal (48,4 %).

Le revenu médian des Sépharades (29 790 $) est quelque peu inférieur à celui des Ashkénazes (31 148 $) mais plus élevé que celui de l’ensemble de la population de Montréal (28 306 $).

17,8 % des Sépharades se situent dans les tranches de revenu élevé (70 000 $ et plus), soit une augmentation sensible par rapport à 2001 (10,4 %).
Ce pourcentage est légèrement inférieur à celui du reste de la communauté juive (19,7 %) mais supérieur à l’ensemble de la population de Montréal (11,6 %).

Le taux de pauvreté des Juifs Sépharades :

On compte 4 080 Sépharades pauvres dans la région de Montréal, ce qui représente 18,4 % de la population sépharade. Ce taux a augmenté durant la dernière décennie, puisqu’il était de 17,8 % en 2011. Cette augmentation est toutefois plus faible que celle que l’on constate dans le reste de la communauté juive : de 18,6 % en 2001, elle est passée à 20,5 % en 2011. Le taux de pauvreté chez les Sépharades est inférieur à celui de l’ensemble de la communauté juive ainsi qu’à celui de l’ensemble de la population de Montréal (20,5 %).

Les Sépharades les plus vulnérables sont les personnes âgées vivant seules (47,7 %), les adultes de 15 à 64 ans vivant seuls (47,3 %) et les membres d’une famille monoparentale dirigée par une femme (32,7 %)

Sonia Sarah Lipsyc

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Dr Sonia Sarah Lipsyc

Sonia Sarah Lipsyc est directrice de ALEPH,le Centre d’Études Juives Contemporaines de la Communauté Sépharade Unifiée du Québec (CSUQ), depuis sa création en 2009. Docteur en Sociologie, Sonia Sarah Lipsyc est également auteure, chercheure, enseignante et dramaturge. Elle est chercheure associé à l'Institut d'Études Juives Canadienne de l'Université Concordia (Montréal). Elle a créée, en 2012, une unité de Recherches au sein de ALEPH sur «Judaïsmes et Questions de Société» ainsi qu'un site de ressources sur ces thématiques (http://judaismes.canalblog.com). Elle a notamment écrit "Salomon Mikhoëls ou le testament d'un acteur juif" (2002) et dirigé la publication de Femmes et judaïsme aujourd’hui, In Press (2008). «Eve des limbes revenue ou l'interview exclusive de la première femme (ou presque) de l'humanité» a été mise en ondes sur France Culture (2011) et mise en espace en anglais à l'Université de Brandeis (Boston) en 2012. Sa dernière mise en scène, «Sauver un être, sauver une monde» a été représentée devant des centaines d'élèves du secondaire à Montréal. Elle a participé à plus de cinquante émissions de télévision sur le judaisme (France 2, Chaine Histoire). En 2011, elle a reçu le Prix d’excellence enéducation juive de la Fondation Samuel et Brenda Gewurz de la BJEC (Bronfman Jewish Education Center).