Les participants au segment « Paroles divines » : Sébastien Doane, Sonia Sarah Lipsyc et Michael Nafi. Photo : Radio-Canada/Olivier Paradis-Lemieux
Le Coran ainsi que l’Ancien et le Nouveau Testament prescrivent quantité de pratiques et d’attitudes à adopter envers l’amour conjugal, l’adultère, la masturbation, l’homosexualité ou encore la polygamie, que ce soit de manière directe ou de manière indirecte. Le bibliste Sébastien Doane, le chercheur en philosophie musulmane Michael Nafi et la directrice d’ALEPH Sonia Sarah Lipsyc, distinguent ce que disent réellement les textes religieux des interprétations qu’en ont faites le clergé et les mouvances orthodoxes.
Sexe et plaisir
« [Dans le Cantique des cantiques], il y a toutes ces images métaphoriques sur la sexualité. Moi, j’avoue qu’à 12 ans, c’est ce qui m’a accroché à la lecture de la Bible. Je découvrais à cet âge-là la sexualité en lisant la Bible », dit Sébastien Doane à propos du caractère sulfureux de ce texte de l’Ancien Testament. Dans le Nouveau Testament, la sexualité est toutefois presque absente.
« Il n’y a pratiquement aucune ligne attribuée à Jésus sur la thématique de la sexualité, continue Sébastien Doane. Ce n’est pas du tout dans le fondement du message chrétien. Le message est beaucoup plus sur l’amour sous toutes ses formes. »
Dans l’islam et le judaïsme, la notion de plaisir est cruciale. « Dans la tradition juive, la notion de plaisir est extrêmement importante, dit Sonia Sarah Lipsyc. Il incombe à l’homme de faire plaisir à la femme et c’est même écrit dans le contrat de mariage. »
« C’est également une cause de divorce dans l’islam, ajoute Michael Nafi. Un homme qui ne satisfait pas sa femme est une des rares causes de divorce. La complication, c’est comment on prouve ce genre de choses. »
L’invention du péché originel
« Il n’y a rien dans la Bible qui réfère au péché originel. C’est une interprétation qui vient de saint Augustin, souligne Sébastien Doane. Il y a toute une imagerie liée à la sexualité qui est plaquée sur le texte de la Genèse [par saint Augustin]. L’interdit est de manger le fruit de la connaissance, du bien et du mal, ce n’est pas de faire l’amour. Ça n’a aucun rapport. »
« Dans le judaïsme, il n’y a pas de faute d’Adam et Ève liée à la transgression sexuelle. Dans la tradition juive, c’est lié à l’impatience », ajoute Sonia Sarah Lipsyc. « Ce qu’on voit d’emblée avec Adam et Ève, c’est la difficulté de communication dans le couple. »
« Quelle que soit cette faute qui a été commise, [dans le Coran] elle incombe aux deux », conclut Michael Nafi, qui note que la chute d’Adam et Ève fait également partie de la tradition islamique.
Homosexualité : entre tolérance et interdiction
« Dans tous les courants [juifs] non orthodoxes, qui sont majoritaires dans le monde, les gais et les lesbiennes ont un statut d’égalité par rapport aux hétérosexuels. On a même à Montréal une femme rabbin qui est homosexuelle », relève Sonia Sarah Lipsyc. Néanmoins, elle concède que « le texte du lévitique est dur. Notamment pour l’homosexualité masculine, parce que l’homosexualité féminine n’apparaît pas dans les textes directement.
« L’acte entre deux femmes n’est pas considéré comme un acte sexuel puisqu’il n’y a pas de pénétration comme telle. La transgression est considérée comme mineure », poursuit-elle.
« Il y a une abondance, même une surabondance de littérature homoérotique dans l’islam. Il y a une différence entre l’acte, la sodomie avérée, et le désir qu’on peut avoir pour un jeune homme », dit Michael Nafi.
Michael Nafi est docteur en philosophie, professeur de philosophie au Cégep John Abbott et chercheur en philosophie musulmane.
Sonia Sarah Lipsyc est directrice d’ALEPH (Centre d’études juives contemporaines de la Communauté sépharade unifiée du Québec), docteure en sociologie, auteure, chercheuse, enseignante et dramaturge.
Sébastien Doane est bibliste, doctorant à l’Université Laval et auteur de livres sur l’interprétation de la Bible.
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Le jeudi 28 janvier 2016, « Paroles divines », séquence mensuelle dans l’émission « Plus on est de fous, plus on lit » animée par Marie-Louise Arsenault sur Radio-Canada.